mardi 12 février 2008

Les Grecs et le pétrole


Le mot « pétrole » vient du grec et signifie « huile de pierre ». Pourtant ce n'est pas ainsi que les Grecs anciens désignaient cette matière mystérieuse.

Ils l'ont découverte lors de leurs voyages en Mésopotamie, d'abord sous sa forme solide, qui était la plus courante et que nous appelons comme eux « asphalte » ou comme les Romains « bitume ». Ces mots nous font penser au revêtement des routes, mais les peuples de Mésopotamie n'en étaient pas là! Ils en faisaient cependant un usage plus varié que nous l'imaginerions. L'asphalte leur servait en effet à la fois de combustible (la lampe à pétrole ne date donc pas d'hier!), de colle, de ciment et d'imperméabilisant.
Les auteurs grecs qui témoignent directement ou indirectement de voyages en Mésopotamie expliquent en effet que les bateaux ainsi que les récipients pour la cuisine étaient faits de roseaux (seul « arbre » dans la région des Marais au sud de la Mésopotamie) calfatés d'asphalte. Cet usage s'est d'ailleurs perpétué jusqu'au XXe s. : les mères collaient un porte-bonheur dans les cheveux de leurs enfants à l'aide d'un peu de goudron. Dans l'architecture, l'asphalte se retrouve associés aux deux autres matériaux fétiches de la Mésopotamie : la brique et le roseau. Hérodote et d'autres auteurs grecs décrivent la construction d'un mur par couches superposées de briques et de lits de roseaux sur lesquels on verse de l'asphalte chaud en guise de mortier.

Quant à la forme liquide (le pétrole proprement dit), ils l'ont appelé « naphte », mot d'origine akkadienne (les Akkadiens sont un peuple de Mésopotamie).
Hérodote est le premier auteur de l'histoire à nous en parler. Il dit que cette huile, que les Perses appellent « rhadinaké » est noire et qu'elle a une odeur forte.
Alexandre le Grand aura ensuite l'occasion de tester les propriétés de cette étrange matière, ainsi que nous le racontent Strabon, Arrien, Plutarque et d'autres. Lui et ses compagnons découvrent qu'un objet enduit de cette huile s'enflamme non seulement au contact, mais même simplement à proximité d'une flamme. Pour le lui faire comprendre, les Perses offrirent à leur nouveau roi un impressionnant spectacle en arrosant de naphte la rue menant à sa résidence, puis en approchant une torche du bout de la rue : celle-ci s'enflamma instantanément sur toute sa longueur! Émoustillé, l'un des compagnons d'Alexandre lui proposa de faire la même expérience sur Étienne, un jeune garçon de l'entourage d'Alexandre, à la physionomie ridicule, nous dit Plutarque, et, on l'imagine, un peu simplet, mais à la belle voix. Le pauvre Étienne faillit bien y laisser la vie (mais le Roi s'était bien amusé et avait fait une expérience...)
Tout cela était donc assez joli à voir, mais bien effrayant. Et ce d'autant plus que les Grecs ont constaté que les propriétés inflammables du naphte n'étaient pas les seules à apporter la mort. Diodore nous décrit une source d'asphalte à laquelle une « foule innombrable de gens puise comme à quelque source intarissable sans que la réserve en semble jamais diminuée » (hélas, pas si intarissable que cela!). A côté de cette source se trouve un gouffre émettant des vapeurs sulfureuses : à peine en a-t-on respiré que les poumons gonflent et s'enflamment et que l'on meurt sur le coup! Et de l'autre côté se trouve un lac :
« Son pourtour présente une surface solide. Mais si quelqu’un de non averti s’y aventure, il se maintient d’abord quelques instants à la surface en nageant, puis plus il se rapproche du centre, plus il est attiré vers le bas, comme par quelque force extérieure. Et lorsqu’il comprend enfin qu’il doit retourner au rivage pour son propre salut, il s’efforce d’échapper à cette attraction, mais c’est comme si quelqu’un le tirait en sens contraire. Bientôt, il ne sent plus ses pieds, puis c’est le tour de ses jambes, puis de ses hanches, enfin c’est son corps tout entier qui est vaincu par cette paralysie, et il est emporté vers le fond. Peu après, il est rejeté à la surface, mort. » (Bibliothèque historique, II 12)
Vraiment pas fréquentable, ce naphte! Quelques auteurs plus rêveurs iront même jusqu'à déclarer que le fameux poison de Médée n'était en fait autre que du naphte!
Bref, après ces quelques découvertes des Grecs, on s'empressera de l'oublier en Occident... en attendant d'autres révélations sur son usage, deux millénaires plus tard.

PS: Cet article est complété par celui du 8 mai 2008 :

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